mercredi 7 mars 2012

UNE ÉLECTION DÉJÀ JOUÉE 2012



On pouvait, sans aucune nécessité de recourir à des sondages sur les intentions de vote et à partir de données bien réelles, être déjà en mesure de fournir la configuration (et donc le résultat chiffré) de la prochaine élection présidentielle de 2012. Il est, du reste, surprenant qu’aucun analyste politique ne se soit livré à ce genre d’exercice, préférant effectuer ses commentaires à partir d’intentions de vote fournies en abondance. A cette fin il suffisait d’analyser les deux derniers scrutins présidentiels, en particulier celui de 2007, et d’y intégrer une variable : le signe, plus ou moins, donné par le corps électoral au quinquennat qui s’achève ?

Trois paramètres bien réels

Les résultats de l’élection de 2007 sont à peine vieux de 5 ans et donc toujours d’actualité. Ce sera notre premier paramètre. Le second prend en compte l’homogénéité et l’inertie des comportements de groupes (c’est ce qui a permis la naissance de la sociologie). Malgré tout ces comportements finissent par évoluer avec le temps sous l’effet d’une variable à effet durable : le ressenti commun. Dans le cas qui nous occupe la perception, par le plus grand nombre, de l’évolution de leur situation sociale et économique au cours des cinq dernières années. Or il résulte des enquêtes effectuées que cette perception a une connotation fortement négative (la population française serait même la plus pessimiste de toutes celles étudiées).
Le dernier paramètre, résultant de ces mêmes enquêtes, est qu’aucun candidat, à commencer par l’actuel président, n’est perçu de l’immense majorité des électeurs (qu’ils soient de droite ou de gauche) comme capable d’inverser la tendance.



Ainsi, contrairement à une idée reçue, cette élection fut beaucoup plus serrée qu’on ne l’a dit. On remarquera que : 1° l’élection de N. Sarkozy a été acquise avec à peine la majorité des votants (50.83%). Comment faire table rase des votes nuls émis et dont on constate l’énorme progression (300%) entre les deux tours ?

2° l’écart qui sépare les deux finalistes n’est que de 2 192 698 voix. Qu’il suffisait que la moitié de ce chiffre (un peu plus de 1 million de voix) se déplace de l’un vers l’autre pour inverser le résultat. Soit à peine 3% des votants, à comparer aux 4.20% de votes nuls exprimés.
Quand à la progression de Nicolas Sarkozy entre les deux tours (+ 7 534 475 voix), on la doit : 1° au Front National : 3 800 000 – 1 000 000 (l’essentiel de l’accroissement des votes nuls) = 2 800 000 (73%)
2° à ce qui deviendra le Modem : 4 700 000 (70%), soit la différence.

Pourquoi cette situation n’a aucune chance de se reproduire ?

En raison de trois facteurs, indépendants des programmes affichés par les candidats, on l’a vu de peu d’effets sur les électeurs :
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l’usure du pouvoir, l’image négative de Nicolas Sarkozy des opposants plus coriaces

L’usure du pouvoir

L’actuel président qui avait, précédemment, fait une habile campagne sur le thème de la rupture ne pourra plus renouveler cette thématique. En effet les réformes mises en avant n’ont eu que peu (ou pas du tout) d’impact sur la société française qui n’a ressenti de changement que dans le sens d’une dégradation par rapport à la situation antérieure. Dès lors ces cinq années de mandat se cumulent, dans l’esprit des électeurs, aux cinq précédentes où l’actuel président s’était déjà mis fortement en avant. Total : dix années qui constituent une limite de l’alternance pour des Etats démocratiques modernes.


L’image négative de Nicolas Sarkozy

De la soirée du Fouquet’s, où fut convié le « gratin » du monde des affaires, au yacht de Bolloré. De Carla Bruni à « l’héritier » Jean, en passant par la montre Rolex et l’avion sur mesure, Nicolas Sarkozy n’a cessé de renvoyer à l’opinion publique l’image caricaturale de l’appartenance à une classe privilégiée, ce qui heurte de plein fouet le rêve républicain de l’égalité pour tous. Ces grossières erreurs de comportement vont peser lourd dans la balance en 2012.

Des opposants plus coriaces en 2012

Lors de l’élection de 2007 Nicolas Sarkozy avait, contre lui, deux candidats qu’il faut bien qualifier de relativement « faciles ». Seul François Bayrou aurait pu constituer une menace s’il n’avait été éliminé dès le premier tour. 1° Jean Marie le Pen atteint par la limite d’âge et ayant fait la campagne de trop. 2° Ségolène Royal, première femme à concourir pour la présidence de la République, handicap non négligeable dans un pays aussi conservateur que la France. De plus n’ayant pas su (ou pu) s’imposer dans son propre parti. C’est pourquoi il faut souligner son score plus qu’honorable (16 790 000 voix), preuve que le candidat Sarkozy était considéré par les Français, non comme le meilleur des deux mais comme le moins hasardeux, ce qui relativise beaucoup un succès facilement acquis.
Aujourd’hui, il en va tout autrement. 1° Marine le Pen est jeune et elle a transformé le vieux discours frontiste en le « gauchisant » pour mieux mordre sur l’électorat populaire. Elle ne répètera pas le score de son père en 2007 (3 834 530 voix), mais plutôt celui de son père en 2002, au second tour (5 525 906 voix), soit près de 18%.

2° François Hollande a fait montre, au cours de sa campagne, de constance et d’une grande aptitude à réunir son camp. Il a, par ailleurs, su élever sa stature comme l’ont démontrés le meeting du Bourget et son débat télévisé avec un Alain Juppé poussé dans ses retranchements. Il est donc un adversaire autrement redoutable que ne le fut Ségolène Royal.
3° Concernant François Bayrou il fera moins bien qu’en 2007 (6 800 000 voix au premier tour) en raison de la concurrence au centre que constitue F. Hollande.
4° Il ressort des secondes et troisièmes paramètres que le candidat Sarkozy, non seulement ne pourra progresser par rapport à 2007, mais qu’il reculera. L’équation consiste donc à déterminer les limites de ce recul pour ne pas : 1° être éliminé au premier tour et, 2° l’emporter au second. C’est ce que nous allons examiner maintenant ?

La qualification pour le second tour

En 2002 le seuil à franchir était très faible, de l’ordre de 5 000 000 de voix. En 2007 il fut du double, de l’ordre de 10 000 000 de voix, grâce à une participation très élevée (plus de 80% des inscrits). La participation pour 2012, d’après toutes les enquêtes, sera supérieure à 2002 mais inférieure à 2007. La ligne médiane donnerait un seuil de 7 500 000 voix pour la qualification du second tour. Ce sera notre hypothèse de travail. Qui seront les candidats susceptibles de franchir ce seuil ?
1° François Bayrou, fortement concurrencé au centre par le candidat social- démocrate François Hollande, ne peut espérer améliorer son score de 2007, 6 820 119 de voix au premier tout, ne serait-ce que par l’effet mécanique de baisse de la participation. Il lui manquera 1 million de voix pour être qualifié.

Restent trois candidats : Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine le Pen.
2° La seule donnée réelle dont nous disposons sont les 5,5 millions de voix obtenues par son père au second tour de l’élection de 2002. La hausse de la participation, entre 2002 et 2012 (que nous estimons à 12%) devrait, par effet mécanique, la conduire à plus de 6 000 000 de voix. Au-delà nous ne sommes pas en mesure de quantifier. Elle reste donc le grand mystère de la prochaine élection (mais qui n’affectera pas le résultat final, on le verra).
3° Pour François Hollande les données réelles sont les 9 500 000 de voix obtenues par Ségolène Royal au 1er tour de 2007, chiffre qu’il devrait maintenir (et améliorer) malgré la chute globale de la participation (ce qui mettra en évidence, à nouveau, la performance de Ségolène Royal en 2007). Ainsi sa qualification pour le second tour est d’ores et déjà acquise.
4° Nicolas Sarkozy avait établi un chiffre record de 11 400 000 voix, au 1er tour de 2007, qu’il ne pourra renouveler en raison de sa fragilisation. La baisse de la participation (12% sur 2007) l’affectera beaucoup plus que son principal rival. Soit une première réduction « mécanique » de 1 500 000 de voix. Plus une seconde de même amplitude, 1 500 000 de voix, celles des électeurs frontistes qui s’étaient portés sur lui directement au premier tour de 2007. Soit 8 400 000 voix (proche des 25% dont le créditent les sondages actuels ce qui, sur notre estimation de participation, 32 000 000 de votants, donne 8 000 000 de voix).
Il serait donc, en principe, qualifié pour le second tour. Mais rappelons ses trois handicaps et le fait qu’il suffit qu’un million d’électeurs sur sa droite se déportent sur Marine le Pen pour le disqualifier pour le second tour.

L’élection du deuxième tour.

Trois candidats restent donc en lice pour le deuxième tour : François Hollande que nul, à gauche comme au centre, ne concurrence sérieusement. Nicolas Sarkozy et Marine le Pen, au contraire, sont concurrents sur un même « marché » d’électeurs. L’un devra donc éliminer l’autre. Mais ce duel à mort, nous n’en connaîtrons le résultat qu’au soir du 1er tour sauf si, faute de parrainages, Marine le Pen ne pouvait concourir. Mais si tel était le calcul de Nicolas Sarkozy il s’agirait d’un mauvais calcul comme on va le voir.
Dans le cas d’un second tour Marine le Pen – François Hollande on aura une participation inférieure à 30 000 000 de votants, soit un minimum de 15 000 000 de voix au vainqueur, progression aisée pour François Hollande aussi bien sur sa gauche qu’au centre (scénario inversé de ce qui fut en 2002).
Dans le cas d’un second tour Nicolas Sarkozy – François Hollande on aura une participation supérieure à 35 000 000 de votants, avec un niveau de qualification à au moins 17 500 000 de voix (comparable à 2007). Voyons comment chacun des candidats pourra combler son déficit du 1er tour ?
Pour Nicolas Sarkozy partant d’une base comprise entre 8 et 8,5 millions de voix, il faudra en récolter davantage... qu’au premier tour. Tâche insurmontable et dont le seul cas connu est celui de Jacques Chirac en 2002 (20 millions de voix récupérées entre les deux tours) pour les raisons que l’on sait.
Il peut espérer, au mieux, les deux tiers des voix frontistes, soit 4 millions de voix. D’évidence beaucoup moins si Marine le Pen ne pouvait se présenter (cas de JM le Pen en 1981 qui, interdit d’élection, favorisa l’élection de François Mitterrand contre Valery Giscard d’Estaing). Sarkozy a donc tout intérêt à
faciliter les parrainages de Marine le Pen. Mais il lui manque encore 5 000 000 de voix, qu’il devra chercher au centre. Même en admettant que François Bayrou réalise un score de 7 000 000 de voix (ce qui est peu vraisemblable) et qu’il appelle à voter pour Nicolas Sarkozy (ce qui serait contradictoire avec ses prises de position répétées depuis 5 ans) cinq millions de voix représenteraient plus de 70% des voix centristes à récupérer. Est-ce possible ? Ce fut pourtant le cas en 2007. Pourrait-t-il renouveler cette performance en 2012 ? La réponse est non !
Non seulement en raison des trois handicaps, devenus insurmontables, que nous avons évoqué, mais parce qu’il aura contre lui un candidat beaucoup plus marqué au centre que ne le fut Ségolène Royal et qui captera au moins 50% des voix centristes (c’est aussi la raison du recul de F Bayrou)
Ainsi Nicolas Sarkozy se trouve confronté à une configuration qui lui est hostile tant sur sa droite (Marine le Pen) que sur sa gauche (les deux François). Il va donc se trouver dans l’impossibilité d’atteindre les 17 à 18 millions de voix indispensables à sa réélection. Et son score restera plafonné autour de 14 à 15 millions de voix.

Conclusion

Nous n’avons pas évoqué les autres candidats qui peuvent influer sur le résultat (exemple : le Pen en 1981, Chevènement en 2002) mais aujourd’hui ils sont marginalisés par les grands courants qui se sont établis depuis cinq ans. De même les configurations et alliances entre candidats ou les initiatives du candidat président lors de la campagne, resteront toutes aussi vaines par manque « d’inertie ». On peut donc soutenir, sans besoin de connaître les intentions de vote par sondages, que l’élection de 2012 est déjà jouée. François Hollande sera élu Président de la République et Nicolas Sarkozy battu, peut être même dès le premier tour. !
Pour aboutir à ces conclusions nul besoin de sonder les intentions de vote. Cependant on ne manquera pas de relever la concordance entre les sondages actuels et cette approche prospective, beaucoup moins aléatoire.



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